Till l'Espiègle est un personnage de fiction, saltimbanque malicieux et farceur, de la littérature populaire du nord de l'Allemagne. Son nom a la forme Till Eulenspiegel en allemand, Dyl Ulenspegel en bas-allemand, Tijl Uilenspiegel en néerlandais, sans compter des variantes orthographiques : Thyl, Tyl, Uylenspiegel, Ulenspiegel... Ce nom est à l'origine de l'adjectif espiègle : il fut emprunté en français sous la forme Till Ulespiegle, puis altéré par aphérèse, l'initiale du nom étant prise pour l'article défini.
Tijl en Nele par Charles Samuel au coin de la Charles De Costerlaan et Keuvelhoekstraat au Zoute
La version la plus ancienne de son histoire fut publiée anonymement au début du XVIe siècle mais le succès qu’il connut chez nous est dû à l'écrivain et poète belge Charles De Coster (1827-1879) qui, dans La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays des Flandres de 1867, fit de Thyl une figure de la résistance flamande contre l'occupation espagnole.
Une sculpture de Thyl et de son amante Nele, ciselés dans un bloc monolithique de marbre blanc de Carrare, orne la place du Keuvelhoek, laquelle longe la rue qui porte le nom de De Coster. Le héros, assis tout en se tenant bien droit, regarde l’horizon, semblant perdu dans un moment de mélancolie et posant affectueusement sa main sur le genou de Nele. Une épée repose à ses côtés. Dans une poche de poitrine, il porte les cendres de son père Klaas, mort sur le bûcher. La belle Nele serre Thyl par les épaules et se penche avec amour vers lui pour le réconforter. Elle est habillée comme la femme d’un fermier flamand, avec manteau et chapeau. La scène, rêveuse plutôt qu’héroïque, illustre un chapitre du livre .
L’œuvre est due à Charles Samuel (1862-1938), un admirateur de Charles De Coster. L’artiste tailla le couple dans un bloc de marbre et le bronze qu’il permit de couler orne toujours les étangs d’Ixelles, où le monument, rehaussé d’un buste en marbre de De Coster et coiffé d’un grand saule, fut inauguré le 22 juillet 1894. C’est en effet à Ixelles que mourut De Coster après avoir connu une fin pénible. À l’issue de sa vie, assiégé par ses créanciers, il y occupait deux chambres misérables au premier étage d’un immeuble à l’angle de la rue de l’Arbre Bénit. Mais il est enterré au cimetière de Saint-Gilles.
Le marbre original fut acquis en 1952 par la commune de Knokke au prix de 50 000 francs, sous l’impulsion d’un mécène y résidant. Une cérémonie commémorative fut consacrée à l’écrivain devant l’œuvre lors du centenaire de son décès, le 6 mai 1979.
Cornelia (Neel) Doff (1858-1942), la jeune femme qui posa pour Nele, vécut une vie pour le moins romanesque. Après une enfance douloureuse en Hollande, qu’elle raconta dans Jours de famine et de détresse, et une adolescence misérable en Belgique qu’elle traversa en posant comme modèle, notamment pour Félicien Rops et James Ensor, et en se prostituant, elle épousa un homme riche qui l’engagea à apprendre le français et lui fit donner des leçons de diction et d’expression au conservatoire. Elle devint écrivain, hérita de la fortune considérable de son époux, se remaria, s’installa à Anvers et publia plusieurs œuvres.
Le réalisateur néerlandais Paul Verhoeven lui a consacré en 1975 un film, Keetje Tippel, une adaptation de l’œuvre de Doff Keetje trottin qui clôtura sa trilogie autobiographique. Il y dépeint la vie d’une jeune fille pauvre qui a sombré dans la prostitution mais a fini par devenir une femme honnête, riche et cultivée.
À sa sortie le film fut très controversé du fait de ses nombreuses scènes de nus, à l’image de l’ensemble de la filmographie de Verhoeven, traversée par les thèmes du sexe, de la violence et de la religion, et à sa pose d’observateur froid et lucide, quitte à choquer pour mieux montrer la stricte réalité.
Extrait de "Les nouveaux Secrets de Knokke-Le Zoute" – Dictionnaire ludique et érudit.
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