Le Pavillon, érigé par Joseph Nellens au nord du lac de la Victoire (le Zegemeer) en 1926-1927, se trouvait très délabré après la Seconde Guerre mondiale. En 1949 un hôtel luxueux y fut substitué, La Réserve. Dans les années 1950 nombreuses furent les stars qui y descendirent : Frank Sinatra, Marlène Dietrich, Charles Trenet, Dalida, Gilbert Bécaud, Ella Fitzgerald, Nat King Cole, Jacques Brel, Salvatore Adamo…
En avril 1954 La Réserve servit de théâtre des réunions de travail de la mémorable « Conférence de Knokke » qui fut organisée par le baron Antoine Allard (1907-1981) sous les auspices de l’Union belge pour la défense de la paix (UBDP), dont il était un militant zélé. La conférence rassembla une série d’intellectuels de gauche protestant contre la guerre froide et les menaces de la course à l’armement atomique, qui furent ensuite reçus par la reine Élisabeth au château de Stuyvenberg, parmi lesquels figuraient notamment Louis Aragon, Bertolt Brecht, Constant Burniaux, Simone de Beauvoir, Ilia Ehrenbourg, Constantin Fedin, Daniel Gillès, Franz Hellens, Jaroslaw Iwaskiewicz, Claude Lanzmann, Michelle Léglise (l’ex-épouse de Boris Vian), Carlo Levi, Jean-Paul Sartre, Anna Seghers, Vercors et Elsa Triolet.
Le bâtiment fut prolongé dans les années 1980 pour y adjoindre La Thalassa, un centre de thalassothérapie avec piscine d’eau salée, placé sous l’égide de Louison Bobet, le coureur cycliste qui avait gagné le Tour de France en 1953, 1954 et 1955 et s’était reconverti dans ce qui ne s’appelait pas encore les centres de fitness. Mais le tout fut rasé en 2008 pour y construire, au fil de plus d’une dizaine années, un complexe immobilier de deux ailes entourant un nouveau palace, typé par un hall d’entrée majestueux mais sans personnalité. Marc Coucke et Bart Versluys, patron du groupe de construction éponyme, qui ont racheté l’hôtel en août 2021, entendent d’ailleurs le rénover pour en faire un 5 étoiles à caractère familial à l’intention d’une clientèle de luxe.
Sur le lac flottent trois îles supportant des crabes, une œuvre de Panamarenko. Le béton de la promenade qui l’entoure est décoré d’empreintes de crabe censées faire référence à l’œuvre.
Au sujet de Simone de Beauvoir et de Claude Lanzmann, Clémentine Portier-Kaltenbach rapporte qu’elle eut une liaison avec son secrétaire qui dura sept ans à compter de 1952 ; elle avait alors quarante-quatre ans, Lanzmann vingt-sept. Avant celle-ci, « le castor » en avait entretenue une, passionnée, avec l’écrivain baroudeur américain Nelson Algren. L’une des plus grandes figures du féminisme au XXe siècle lui promettait de bien « ranger la maison », d’être « une bonne épouse arabe » de faire « la vaisselle et même la cuisine » : « dans les lettres qu’elle lui adresse (trois cent quatre lettres écrites en anglais), elle le décrit lui aussi très amoureux, alors même qu’il entretient d’autres liaisons que la leur. Elle s’illusionne comme n’importe quelle midinette, elle est ferrée, fragilisée, bref, humaine ! (…) Ainsi donc, c’est au moment précis où Simone de Beauvoir est sous l’emprise d’un amant auquel elle est dévoué corps et âme qu’elle s’apprête à publier la bible du féminisme, le texte fondateur de la libération des femmes ». Alors, qui fut l’homme de sa vie ? Sartre ? Algren ? Lanzmann ?, se demande la narratrice : « Est-ce que pour lui aussi, elle aurait été prête à faire la vaisselle ? - Il n’en reste pas moins qu’en 1986, au soir de sa vie, elle a souhaité être inhumée près de Sartre au cimetière de Montparnasse, mais elle a expressément demandé à emporter dans la mort un objet qui lui était cher et que lui avait offert Algren : une alliance ! ».
Les nouveaux Secrets de Knokke-Le Zoute – Dictionnaire ludique et érudit.
Nouvelle édition illustrée.
Éditions La Muette – Le bord de l’eau, 2023,477 p.
Disponible dans les bonnes librairies et sur Amazon
Comentarios