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Jacques Brel et Le Zoute

Le nom de Brel (1929-1978) restera à tout jamais associé à celui de Knokke-le-Zoute. Le chanteur aimait la mer du Nord et Knokke avait sa préférence. C'est là que son ami Franz tenait son café, face au casino qui a tant compté dans la carrière de Brel. Il y a chanté son Knokke-Le Zoute Tango : la station balnéaire y apparaît comme le bout du monde où l'artiste désabusé finit sa carrière et sa vie amoureuse.



À l’âge de 18 ans Jacques Nellens l’avait rencontré en juillet 1953 dans le cadre du concours de la chanson organisé par les Amis de Radio Luxembourg, alors qu’il était déjà, notamment en faisant le tour des cabarets parisiens, à la recherche d’artistes que son père, qui dirigeait le casino d’Albert-Plage, inviterait à passer en vedettes américaines. « Il y avait des Anglais, des Allemands, des Français et un Belge qui était Brel, rapporterait Nellens : Ce jury, dans lequel se trouvait Jacques Canetti, qui lancera Brel à Paris, était malheureusement présidé par M. Van Mulder, le directeur de l'Opéra d'Anvers. Mais Canetti était isolé, car tous ces messieurs et ces dames n'aimaient pas la variété. Brel a reçu l'avant-dernière place. Le dernier était René-Louis Lafforgue. Les deux seuls à avoir fait carrière. Canetti n'a rien pu faire. Et j'ai rencontré Brel à ce moment-là. Je ne me souviens plus de la chanson qu'il a interprétée. Il était habillé en troubadour, il avait son truc en peau, ses lacets ouverts, ses manches pendaient. Le public du Casino n'a pas davantage encadré Brel. S'il avait pu voter, Brel n'aurait pas été premier non plus. C'était l'époque des chanteurs à voix. Le public en Belgique n'a pas été réceptif pour un sou. C'est pour ça qu'il a démarré en France.»



Pour fêter les dix ans de fidélité de Brel au casino, Jacques Nellens lui offrit en 1963 un étain. « Je lui dis que j'ai encore son disque d'il y a dix ans, son tout premier Philips enregistré à Bruxelles », racontera-t-il en 2003 au Soir : « il me dit : ‘‘Tu es un des trois qui l'ont acheté. J'en ai vendu trois’’.» « A Knokke, ça n'a pas toujours été facile, ajoutait Nellens : C'était une question de textes et de physionomie, en raison de cette fougue et de cette hargne à certains moments avec laquelle il débitait son texte. ‘‘Les bourgeois sont des cochons’’, il l'a chanté à Knokke. Ce n'était pas très bien pris. Quand il a chanté ‘‘Les Flamandes’’ et ‘‘Les Flamingants’’, il n'y a pas eu de bagarre. Mais, aujourd'hui, ce serait le cas. Il n'était pas pour le public du casino. Brassens, malgré ‘‘Le Gorille’’, a tout de suite marché. Il avait un air de gros nounours qui rassurait. Le type le plus adorable que j'aie jamais rencontré, une vraie crème. »


À l’été 1964 Maurice Chevalier assiste au casino au tour de chant de Jacques Brel. Il note dans son journal : « Assisté à la soirée du Casino où Jacques Brel vint établir une fois de plus qu’il est le plus puissant tragédien chanteur de la révolte et de la rébellion. Surprenant personnage qui peut, à quelques secondes de distance, vous effrayer et vous attendrir. Lorsqu’il présente ses musiciens, cet artiste qui vient de défier la salle avec une autorité hallucinante, a tout à coup l’air d’un grand, bon et généreux gosse. »



Brel aimait avoir un auditoire devant lequel il assenait ses vérités. Sur les flamingants notamment. « Un jour, après le concert, il descend comme tous les artistes au cabaret du casino, rapporta encore  Nellens : Un docteur flamand fait une remarque à haute voix sur l'anti-flamingantisme de Jacques. Brel l'entend et me demande de le lui présenter. En dix minutes, les deux se tapaient sur le ventre. Il lui avait fait comprendre qu'il n'en avait pas après les Flamands mais bien les flamingants. Il n'aimait pas les extrêmes. Il n'avait rien contre les pratiquants mais n'aimait pas les grenouilles de bénitier. Il remettait les gens à leur place avec un charisme de boy-scout. C'était un enfant. Il allait jusqu'au bout : le bateau, l'avion... Il accomplissait ses rêves de Far West. »


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